Selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature, le 3 février 2022, le mont Everest aurait perdu une masse de glace titanesque depuis les années 1990, la quantité de glace disparue ces trente dernières années est comparable à 2.000 ans d'accumulation au sommet du glacier. Une barrière de glace de 1.200 kilomètres carrés s'est effondrée également le 15 mars 2022 en Antarctique de l'Est, au tout début d'une vague de chaleur exceptionnelle sur le continent.
Ce sont des exemples des graves conséquences du changement climatique, dérèglement du climat, réchauffement de la Planète… Quel que soit le terme utilisé, le constat est le même, et unanime au sein de la communauté scientifique : le climat de la Terre se modifie drastiquement depuis quelques décennies, à une vitesse sans précédent, en grande partie du fait des activités humaines.
Le réchauffement climatique que nous vivons est un phénomène global de transformation du climat et qui affecte déjà toutes les régions sur Terre. Il se traduit notamment par l'augmentation moyenne des températures, la modification des précipitations, la fonte des glaciers, la hausse du niveau des mers ou encore l'accentuation du nombre et de l'intensité des événements extrêmes (sécheresses, inondations, etc.). Si certains changements sont irréversibles, d'autres pourraient être ralentis par la réduction de nos émissions.
Le coût de l’électricité et de la chaleur
Lorsque les émissions de gaz à effet de serre se multiplient, ces gaz agissent comme une couverture autour de la Terre et retiennent la chaleur du soleil. Ce phénomène entraîne alors un réchauffement de la planète ainsi que des changements climatiques.
Une grande partie des émissions mondiales de gaz à effet de serre provient de l’utilisation de combustibles fossiles — tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel — pour produire de l’électricité et de la chaleur. La production d’électricité dépend encore majoritairement des combustibles fossiles. Seul un quart de notre électricité provient de sources éoliennes, solaires et d’autres sources renouvelables.
Selon le 6ème rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le changement climatique ne concerne pas seulement la température, il concerne également l’humidité et la sécheresse, les vents, la neige et la glace, les zones côtières et les océans.
Le rapport indique en effet, que le changement climatique intensifie le cycle de l’eau (pluies plus intenses, inondations et sécheresses plus intenses), modifie la répartition des pluies, confronte les zones côtières à l’élévation du niveau de la mer et amplifie le dégel du pergélisol et la perte de manteau neigeux saisonnier, la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et la diminution des glaces de mer arctiques en été.
La Tunisie n’est pas à l’abri
En réponse à la question « Quel est l’impact du changement climatique sur la Tunisie ? », Mr
Haythem Bellghrissi, ingénieur et expert en Climatologie et membre de l’Association tunisienne des Changements Climatiques et du Développement Durable (2C2D), a indiqué que l’effet du changement climatique sur la Tunisie commence déjà à être perceptible à travers les observations montrant que le climat de la Tunisie a changé au cours de ces dernières décennies. Il a souligné que ces changements vont continuer et même s’accentuer à l'avenir.
L’expert en climatologie a ajouté que l’Institut National de la Météorologie a réalisé des projections climatiques à haute résolution sur la Tunisie montrant des tendances futures alarmantes sur les évolutions des températures moyennes et des précipitations pour le 21ème siècle, en plus des évolutions des fréquences et des intensités de quelques évènements climatiques extrêmes sur le pays. Mr Haythem Bellghrissi a expliqué que ces projections se sont basées sur deux scénarios d’émission différents : le scénario moyen RCP 4.5 (politique de réduction des émissions avec une stabilisation des émissions en 2040) et le scénario
pessimiste RCP 8.5 (sans politique climatique).
Politique climatique de la Tunisie
La Tunisie avait soumis sa Contribution Déterminée Prévue au niveau National (CPDN) à la Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) le 16 septembre 2015. A l’issue de la ratification de la Tunisie de l’Accord de Paris, le 17 octobre 2016, et de l’entrée en vigueur de l’Accord le 4 novembre 2016, La CPDN était devenue la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) de la Tunisie.
La contribution de la Tunisie en matière d’atténuation se matérialise par une baisse de 45% de son intensité carbone en 2030 par rapport à celle de 2010. La contribution inconditionnelle de la Tunisie correspond à une baisse de l’intensité carbone de 27 % en 2030 par rapport à celle de l’année de référence 2010, ce qui est très largement au-dessus de la première CDN ou l’effort inconditionnel devait générer seulement 13% de réduction de l’intensité carbone.
La contribution conditionnelle permet une baisse additionnelle de l’intensité carbone en 2030 de 18 % par rapport à l’année de référence 2010.
La Tunisie vulnérable aux changements climatiques
Ressources en eau
Les projections climatiques indiquent que les ressources en eau seront particulièrement exposées à : l’augmentation de la demande en eau et des conflits d’usages, la surexploitation des nappes souterraines, la baisse des stocks d’eau et la dégradation de la qualité des eaux y compris la salinisation des nappes littorales. Les pertes totales en ressources en eau de ces nappes en Tunisie à l’horizon 2050, ont été évaluées à environ 220 millions de m3 par an.
Productions agricoles
Les projections climatiques prévoient une augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de sécheresse prolongée. Celles-ci affectent notamment la production en céréales qui chuterait de près de 40% à l'horizon 2050 selon le scénario RCP 8.518. La baisse des rendements qui affecte les productions oléicoles pourrait atteindre 32%. La part de la production agricole dans le PIB national accuserait une diminution de 5% à 10% en 2030, selon les scénarios d’ouverture économique du secteur agricole.
Ecosystèmes naturels
Les projections climatiques prévoient un nombre plus élevé de journées de canicules, un stress hydrique plus important ou encore des précipitations irrégulières. Ces impacts provoqueraient une augmentation de la fréquence des incendies de forêts, une diminution des opportunités de remontée biologique, de multiplication des espèces naturelles et de renouvellement du stock des graines dans les sols des parcours, des steppes et sous les forêts. Ces impacts affectent les rendements des écosystèmes naturels en produits forestiers ligneux et non ligneux et fourragers. De fortes pertes sont à prévoir dans le Sud tunisien où se trouve la majeure partie du pastoral disponible.
Littoral
Sur le littoral tunisien, les changements climatiques seront accompagnés par une élévation du niveau de la mer ainsi qu’une augmentation de la température, de la salinité et de l’acidité des eaux. Ces effets des changements climatiques entraineront d’autres impacts tels que la perte d’espaces bâtis, d’infrastructures côtières et agricoles littorales, l’érosion du trait de côte ou encore la dégradation des écosystèmes littoraux.
Santé
Les principaux impacts sanitaires dus aux changements climatiques concernent la recrudescence et l’émergence des maladies à transmission vectorielle ; l’augmentation de l’incidence des maladies à transmission hydrique et alimentaire ; l’aggravation des maladies en relation avec la pollution atmosphérique et l’augmentation de la fréquence et de l’Intensification des effets sanitaires des inondations. On pourrait également craindre l’émergence de nouvelles maladies encore absentes du territoire comme la fièvre à virus Chikungunya ou la fièvre à virus Zika présentes sur le continent Africain.
Tourisme
L’accélération de l’élévation du niveau de la mer constitue une menace majeure pour le tourisme qui reste essentiellement balnéaire en Tunisie. Le retrait du trait de côte se fait à des vitesses souvent comprises en 0,5 et 1,5 m/an, et près de 440 km de côtes, soit 26,6 % du littoral tunisien, ont été évalués comme présentant une vulnérabilité très forte à la submersion marine et à l’érosion. Cela concerne en particulier les golfes de Hammamet (40 % du total de ses plages), de Tunis (30 % du total de ses plages) et à moindre degré au niveau des îles de Djerba et de Kerkennah (respectivement 24 % et 14 % du total de leurs plages).
Comme tous les autres pays du monde, la Tunisie n’est pas épargnée par le changement climatique. Appliquer les stratégies et les politiques relatives à l’environnement et au changement climatique doit être une priorité nationale pour la Tunisie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre.